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"Mon dévidoir de l'âme"
"Mon dévidoir de l'âme"
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9 février 2005

Le conte des 100 jours et 100 nuits

Peut être connaissez vous « Cinema Paradiso » avec Philippe Noiret d'après un réalisateur italien dont je ne me souviens plus du nom ? Si c'est le cas, alors peut être vous souviendrez vous de ce conte que raconte Noiret à son jeune ami alors éperdument amoureux ? 

Mais si ce n'est pas le cas, lisez ce qui suit : le conte des 100 jours et 100 nuits… (peut être un peu plus romancé qu'à l'origine, ne me souvenant pas vraiment du propos de Noiret dans le film…)

 

 

Le conte se déroule dans une contrée ancestrale, à la fois proche de celle que notre Histoire humaine a pu connaître et éloignée de tous ces récits du Moyen Age parvenu jusqu'à nous.  Sur cette province régnait un roi aimé de tous ces sujets, un souverain respecté de tous ses vassaux et de tous les chefs des royaumes ou empires voisins, un monarque éclairé qui avait su ramener la paix dans son  domaine et avec les souverains frontaliers malgré la réticence de certains puissants vindicatifs.

Une seule ombre au règne sans faille de ce bon roi était qu'il avait eu, de sa défunte femme, pour seule descendance une fille, à la beauté somptueuse. Désormais il lui fallait marié cette jeune fille afin d'assurer sa descendance et la prospérité de son nom et de son pouvoir.

Aussi, pour le 18ème printemps de sa chère enfant, décida t'il de donner le plus grand et prestigieux bal de tous les temps où seraient invité les dignes prétendants de chaque famille de son royaume et de ceux voisins.

En grande hâte, il donna donc ces ordres aux musiciens, aux serviteurs, aux cuisiniers, aux messagers …  Et, surtout, en grande hâte, décida t'il d'accroître la garde rapprochée du palais afin d'assurer la sécurité des festivités.

Des sergents-recruteurs galopèrent immédiatement au travers de la province, dans la moindre cité, dans le moindre bourg, pour enrôler des hommes jeunes robustes et volontaires pouvant faire de bons soldats.

C'est ainsi que fut recruté un jeune homme sans logis, sans éducation, sans labeur, benjamin d'une pauvre famille de paysan qui avait fui celle ci afin de tenter de leur ramener quelques deniers.  Il signa d'une croix l'ordre de recrutement en pensant déjà à cette solde inestimable qu'il enverrait bientôt à ses parents.

Il suivit un entraînement intensif et ardue de maniement de l'épée, du canon ou de l'arquebuse avant de rejoindre la palais royal pour son affectation. Il avait la charge de la garde des jardins royaux. Et ce fut là qu'il aperçut un matin une jeune femme à la beauté fabuleuse, au charme divin et ensorcelant. Il ne pouvait détacher son regard d'elle, la contemplant silencieusement tandis qu'elle longeait d'une allure lente les par-terres de fleurs multicolores ou les bassins ornées de fontaines minutieusement sculptées.

« C'est la princesse, lui souffla son compagnon d'arme. Tu n'as aucune chance… »

la Princesse… Qu'il n'avait aucune chance, il en avait pleinement conscience, mais pourtant il était éperdument amoureux d'elle, il ressentait des sentiments aussi intenses envers elle qu'il lui semblait qu'il pourrait sombrer dans la démence s'il devait être éloigné d'elle. Durant de longues journées, il l'observa, la contempla, l'admira sans quitter son poste de garde, sans qu'elle ne s'en aperçut. Mais arriva un jour où il n'en put plus de cet amour, où sa passion était tellement intense qu'elle provoquait de profondes souffrances incommensurables qui meurtrissaient son être. Lorsqu'il l'aperçut seule dans le jardin, il approcha timidement, la salua dans un souffle gêné, affichant un sourire penaud. Elle lui rendit poliment son sourire quoique stupéfaite par sa démarche. Sans attendre le moindre mot de sa part, il se lança dans une longue diatribe, une longue confession amoureuse, usant de mots maladroits, des termes les plus fleuris qu'il puisse connaître, que son éducation paysanne pouvait créer.  Son débit était rapide, parfois ce n'était qu'un marmonnement insaisissable. Mais il n'osait cesser son monologue de peur de ne pouvoir continuer, de peur d'avoir à affronter ses mots à elle. Il conclut sa tirade  malhabile ainsi : « Ne dites rien pour le moment ! Laissez passer 100 jours et 100 nuits et au 101ème jour, donnez moi votre réponse. Durant ces 100 jours et 100 nuits je serais à chaque instant auprès de vous… »

Et il s'enfuit précipitamment sans jeter un seul regard sur la belle princesse.

Dès le soir même, la belle entrevit son valeureux et étrange prétendant juste au bas de son balcon, figé dans un garde-à-vous parfait jetant parfois de rapides regards sur la fenêtre dissimulant une infime lueur vacillante de bougie derrière un lourd et épais rideau couleur rubis.

Et depuis ce jour, à chaque instant, en chaque lieu où elle se trouvait, il était là, fidèle à son pacte amoureux, parfois si proche qu'il aurait pu frôler sa peau de ses doigts (ce qu'il n'osa jamais faire), quelques fois si éloigné qu'il n'était qu'un point dans l'horizon brumeux. Et les aubes se suivirent lançant leur teinte chatoyante orangée au travers du ciel. Et les crépuscules leur succédèrent noyant la nuit tombante sous une multitude de pigments à la douceur violacée. Il en fut ainsi jusqu'au 100ème jour.

Au crépuscule de cette ultime soirée, la belle princesse aperçut toujours le soldat dressé au pied de son balcon,  dans l'obscurité glaciale, n'osant détourner un regard vers ce rideau qui s'écartait pour l'observer.

Cette nuit s'écoula lentement avec un soupir éternel.

A l'aurore du 101ème jour, la princesse s'éveilla et écarta le voile qui cachait l'intimité de sa chambre. Mais il avait disparu… Il ne reparut pas de cette journée, ni même de celles qui suivirent. Jamais plus, elle ne vit à nouveau son pauvre prétendant, jamais plus elle n'eut la sensation de le savoir non loin d'elle, jamais plus elle ne s'endormit en sachant qu'il veillait sur son sommeil.

 

 

 

 

Que retirer de ce conte ? Certain ne verront là qu'une profonde stupidité, une réaction incompréhensible et imbécile.  Je ne le vois pas ainsi…

Cet homme a préféré vivre avec l'espoir qu'elle pouvait l'aimer, que de survivre en sachant qu'elle ne ressentait rien pour lui… 

Et je serais en fait quelque peu comme cet homme : je préfère vivre dans l'espoir d'être aimé plutôt que dans la connaissance de ne pas l'être !  

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Commentaires
A
je dirai en lisant ce beau conte..... qu'il faut vivre au jour le jour sans attendre demain..... un peu comme le theme epicurien du carpe diem..... bisous
F
un sourire ici
"Mon dévidoir de l'âme"
  • Coucher mes pensées sur un écran vierge est comme un exutoire. Y dévercer mon flot de songes et de reflexions, y étaler la nudité de mon âme sans artifice, voilà la raison d'être de ce blog...
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