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"Mon dévidoir de l'âme"
"Mon dévidoir de l'âme"
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24 avril 2006

Petite chronique judiciaire (suite)...

jugement


Première constatation en arrivant ce matin dans mon bureau : une pile de dossiers aux teintes pastelles tirant vers le vert (Je hais cette couleur ! Mais ils étaient ainsi bien avant moi… Alors je tolère…) s’élevant fièrement au côté de mon PC et certainement déposé là ce week end par la présidente.

Rapide coup d’œil. Juste une fraction de seconde suffit pour me rendre compte qu’il s’agit des délibérés de l’audience de jeudi dernier (voir ici), remis à la frappe. Là je me remémore instantanément cette affaire qui m’avait tant bouleversé. Je recherche fébrilement le dossier en question.

Je parcours le brouillon de la magistrate.

Et, j’arrive directement au dispositif :

« Constate la forclusion de la demande »…

Je m’effondre sur ma chaise de bureau. J’ai l’impression qu’un couperet vient de s’abattre sur mon âme. Je n’ose imaginer la réaction de cette jeune femme, victime de tant d’atrocités, lorsqu’elle s’attardera sur ces mots. J’ai la sensation que ce prononcé me concerne moi même, comme si j’étais victime par procuration. Mais il est indécent et honteux de dire cela : je n’ai pas subi ce qu’elle a enduré et même si je dois admettre qu’une profonde compassion, une intense empathie me submerge lorsque je pense à son regard embué de larmes lors de cette audience, je ne puis me permettre d’avoir une telle pensée.

Peu à peu, mon regard s’intéresse aux motifs de cette décision…Fondement légal, motivation juridique, raisonnement  tant en fait qu’en droit… Tout est parfaitement incontestable, ces motifs ne souffrent malheureusement d’aucun vice permettant une éventuelle réformation devant une juridiction de second degré. Par une argumentation stricte et sans faille, la magistrate conclut que ce relevé de forclusion sollicité est dénué de motif légitime, apprécié rigoureusement par la jurisprudence de la cour suprême.
Merde…

Par sous entendus, elle met également en cause les diligences de l'avocatede la jeune femme  postérieurement au prononcé de la condamnation de la Cour d’Assises.

Effectivement, cette avocate n’a peut être pas accompli toutes les diligences .requises. Mais a-t’ elle commis une réelle faute susceptible d’engager sa responsabilité personnelle ?

Non, certainement pas…

Tout juste a-t’elle commis une simple erreur. Une erreur humaine…

Elle a simplement fait confiance à une de ses consoeurs, l’avocate du condamné, qui s’est engagé en toute bonne foi à payer les indemnités allouées par la Cour, sur les deniers de son client en les conservant sur son compte professionnel.

Beau geste mais bien insuffisant. Car fondé sur une simple confiance mutuelle, sur une simple bonne foi, sur une simple éthique professionnelle. Aucune base légale, aucun fondement juridique. Comment un avocat pourrait il mettre en doute la parole d'un de ses confrères? Ils sont de la même souche, de la même espèce, de la même race... Ne pas accorder sa confiance à un confrère revientdrait il à avouer qu'il ne serait pas lui même digne  de confiance?
Et une des parties civiles au procès, peut être plus diligente, a fait pratiquer une saisie sur ces fonds conservés par l’avocat. Elle avait un titre exécutoire et une créance. La légalité était respectée…

A l’audience, le substitut du Procureur a relevé un incident bien fâcheux mais insuffisant pour entraîner ce relevé de forclusion puisque l’avocate en cause avait la possibilité d’effectuer une saisine conservatoire de la juridiction, dans les délais légaux, afin de s’assurer une plan B au cas où leur plan A échouerait…

Mais l’avocate a préféré un autre choix.

L’erreur est  humaine.

Et la jeune victime a été prise entre deux feux, dans cette joute d’arguments dont elle n’a peut être pas saisi tous les tenants et aboutissants.

Et cette joute a cessé…

Et la Justice a tranché.

Le pouvoir de « juris dictio » a sévi.

Légalement, juridiquement, ce jugement est parfaitement fondé. Humainement, il ne  l’est pas. Mais un juge ne peut se permettre de prendre en compte de simples considérations humaines ou émotives pour contre dire la Loi. Si un juge du premier ou du second degré agissait ainsi, sa décision serait inévitable infirmée ou cassée par la suite.

Alors, il écarte ses émotions et statue selon la Loi.

Aucun juge du fond ne prendrait le risque de voir sa décision annulée et cassée par la Cour de Cassation, à moins d’avoir une motivation solide et infaillible.

Or, en l’espèce ; elle ne l’était pas…

Je suis attristé que cela se termine ainsi. Dix ans de procédure pour aboutir à une simple irrecevabilité procédurale, sans statuer le moins du monde sur le fond de requête.

Mais cela se terminera t’il ainsi ? L’avocate de cette jeune victime se contentera t’elle de cette décision ? Ne tentera t’elle pas  d’interjeter appel, peut être davantage pour sa propre fierté que dans l’intérêt de sa cliente ?

J’espère que tout se termine ainsi.

Car repousser une nouvelle fois le dénouement de deux ou trois ans ou plus ne serait pas favorable à la jeune victime.

Car lui imposer une nouvelle fois un exposé des faits qu’elle a subi durant une énième audience et un nouveau débat sur la recevabilité de sa requête ne serait qu’une torture morale de plus.

Car avoir à vivre, revivre, incessamment ses souvenirs, ses angoisses, ses douleurs n’auront que pour effet de l’emprisonner dans les méandres obscurs et souffreteux de ce passé.

Car cela l’empêcherait de se tourner vers l’avenir, d’en contempler l’horizon et de laisser son âme, son cœur, son être jouir de toute la chaleur, de toutes les teintes, de toute la beauté qu’il pourrait lui offrir.

Alors, oui, j’espère que tout se termine ainsi…

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Commentaires
Y
Mais faudrait penser à poster.<br /> :-)
"Mon dévidoir de l'âme"
  • Coucher mes pensées sur un écran vierge est comme un exutoire. Y dévercer mon flot de songes et de reflexions, y étaler la nudité de mon âme sans artifice, voilà la raison d'être de ce blog...
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