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"Mon dévidoir de l'âme"
"Mon dévidoir de l'âme"
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25 avril 2005

Milo, 13 ans, croate...

Je me nomme Milo, j’ai 13 ans, je suis croate et j’apprends à tuer…

Je suis ce que les médias occidentaux appellent un enfant-soldat. Belle contradiction entre ces mots n’est ce pas ? Belle exemple d’oxymoron dont tout professeur devrait user dans toute école de ce vaste monde.

Je suis un guerrier, implacable et cruel. Tuer est la seule chose que l’on m’est enseignée, l’unique chose que je sache faire.

Tout a débuté au printemps 1991, dans une ruelle de la banlieue de Zaghreb. Je jouais au football avec mes amis, voisins et camarades de classe. Nous savions que certaines choses avaient changé, qu’il y avait des affrontements non loin de chez nous. Nous voyions bien l’inquiétude de nos parents et devinions la duperie et le mensonge dans leurs sourires qui se voulaient apaisant. Ce jour là, cet homme se présenta à nous. Il portait un uniforme militaire et s’annonça comme un officier de l’infanterie de l’armée de terre yougoslave. Ils nous offrit un soda et nous parla durant des heures et tout ce temps, nous l’écoutâmes, happé par son charisme, par ses regards enjôleurs. Il savait parfaitement magné les mots, il savait parfaitement magné les esprits. Il nous parla de patrie, de fraternité, de devoir, de liberté, de lutte pour la cause. Cet envoûtant monologue continua longtemps, nous endoctrina, nous fanatisa. Rendez vous fut fixer au lendemain au même endroit.

Le matin de ce jour, je fis mes adieux à mes parents, à mes frères et sœurs. Ils ne comprirent pas, ils prirent cela pour une lubie d’enfant, pour un jeu puérile quelque peu cruel. Ils avaient torts… Je crois qu’ils n’ont jamais réellement compris et il en était mieux ainsi : comment aurait il pu supporter le monstre que j’allais devenir ?

Le soir même, je me retrouvai dans un camp d’entraînement paramilitaire uniquement composé d’adolescents et d’enfants, même parmi les instructeurs… Là, on me déshabilla et on me laissa nu, devant les instructeurs hilares avant de me donner un uniforme élimé, crasseux dont certaines tâches me semblèrent être du sang. A partir de cet instant, je fus battu, humilié, affamé, privé de sommeil . Je m’étais délibérément jeté dans ce trou à rat, une prison de laquelle je savais que je ne pourrais jamais sortir sinon lorsqu’ils en décideraient ainsi ou bien mort. Toute évasion était vaine : ceux qui étaient repris été exécutés sur le champ comme de vulgaires déserteurs. Et chacun des fuyards avaient été repris…

Ce calvaire dura deux longues années. On m’enseigna le combat à main nue, le maniement des armes ; on m'inculqua la cruauté, la haine ; on fit de moi une machine à tuer, enfermée dans un corps d’adolescent. Je reniai mon enfance, ma famille : la chaleur du foyer, les saveurs des plats au repas de famille, les caresses de ma mère, les rires de mes frères et sœurs, les acquiescement silencieux de mon père. Les premiers soirs, j’ai pleuré… Mais ces pleurs étaient l’apanage des faibles et toute faiblesse était ici bannie. Alors je me suis endurci et j’ai annihilé toute source de faiblesse en moi, inexorablement.

Puis à l’aube, de mes 13 ans, on me nomma au grade d’instructeur. Du statut de victime, je passai à celui de bourreau. Et je me mis à battre, à  humilier, à affamer, à priver de sommeil… Je devins ivre de pouvoir, avide de cette puissance, de cette crainte que je provoquais chez les recrues, peut être par pur plaisir, peut être par pure vengeance. Un jour, parmi ces recrues, j’aperçus une jeune fille, tout juste plus jeune que moi, ses mèches blondes souillées par la terre, elle était très belle dans son  effroi, elle avait de magnifiques yeux azur rougis par ces larmes qu’elle avait trop versé et de charmantes lèvres rosées pincées par la douleur qu’elle tentait de contenir.  Le soir même, elle se trouvait dans mes quartiers, effrayée mais offerte. Et je couchai avec elle, je la pénétrai sans remord ni état d’âme, je m’insinuai en elle, sans égard, juste porté par mon seul plaisir. Elle ne gémit pas, elle ne se défendit pas, elle ne cria pas ni de refusa cet acte forcé. Elle eût juste un sanglot étouffé lorsque je jouis en elle. Elle savait que lorsqu’un instructeur jetait son dévolu sur soi, il fallait obéir sans un mot, sans un geste, sinon elle serait battue  à mort et jetée au cachot. Et je savais que si elle s’était débattue, je l’aurais frappé à mort et j’aurais tout de même eu ce que je désirais dans la violence… Je fonctionnais ainsi désormais.

Le cachot… J’y avais déjà goûté. C’était un bloc de béton, fermé par une lourde porte d’acier, une lucarne grillagée en perçait l’un de mur. Le plafond était si bas que  même un enfant ne pouvait s’y tenir debout ; nous étions ainsi obligés de rester recroquevillés dans la crasse et la puanteur durant tout le long de la sanction. Les seules visites que nous avions étaient celle de la vermine et des araignées, la seule chaleur que nous pouvions y ressentir était celle qui traversait la lucarne. Nous y étions nourri de manière aléatoire au gré des instructeurs et nous ne profitions que des restes des autres recrues.

Au printemps 1993, on me donna la commandement d’un bataillon d’une douzaine d’enfants.

« Les meilleures recrues » souligna t’on.

On me désigna l’ennemi : des bosniaques musulmans dans la région de Mostar. On nous galvanisa, on nous fanatisa, on nous assimila à des héros de la Patrie, à des martyres de la Croatie. On nous ordonna de tuer, de massacrer, sans répit ni remord car tel était notre devoir.

Et un fusil mitrailleur Kalachnikov à bout de bras, une baïonnette au canon, je tuai,  j’abattis, je massacrai, je blessai,  j’achevai. Hommes, femmes, enfants…  Peu importait puisqu’ils étaient mes ennemis. 

Soudain je cessai ma course meurtrière…

Il se tenait face à moi, le visage fermé, le regard empli d’une haine féroce. Il avait sensiblement mon âge. Il portait lui aussi une arme à la main et au canon de celle ci une dague. Je m’élançai sur lui dans un intense rugissement, mes doigts serré sur la crosse de mon fusil d’assaut. Mais il fut plus rapide que moi… Sa lame perça mon sternum et perfora mon cœur de part en part avant de s’extraire entre mes omoplates.

Puis…Plus rien…Le Néant…La libération…

Je me nommais Milo, j’avais 13 ans, j’étais croate, j’étais un tueur et je suis mort le 9 mai 1993 à Mostar…

Ndla: Ceci n'est certes qu'une fiction... Mais beaucoup témoignent de telles atrocités au travers le monde et notament Ex Yougoslavie.  Rien ne prouve qu'un jeune Milo de 13 ans n'ait jamais réellement existé...

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  • Coucher mes pensées sur un écran vierge est comme un exutoire. Y dévercer mon flot de songes et de reflexions, y étaler la nudité de mon âme sans artifice, voilà la raison d'être de ce blog...
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