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"Mon dévidoir de l'âme"
"Mon dévidoir de l'âme"
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10 mai 2005

Stormy Monday...

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“They call it stormy monday, yes but tuesday’s just as bad.
Wednesday’s even worse; thursday’s awful sad.
The eagle flies on friday, saturday I go out to play.
The eagle flies on friday, but saturday I go out to play.
Sunday I go to church where I kneel down and pray.”

Les riffs bluesy de Clapton percent son âmes, fendent son être d’un frisson délicieux. Rien  ne perturbe cette mélodie silencieuse, jouant ses notes électriques et langoureuses uniquement aux tréfonds de son esprit. Dans un lointain et sourd brouhaha, il distingue pourtant la voix stridente et colérique de sa compagne. Ses paroles fusent, l’agressent, l’interrogent, exigent des réponses, l’insultent aussi parfois face à son mutisme. Il l’exaspère, il le sait. Elle désire le frapper dans sa rage mais retient ses coups. Non, elle ne craint aucunement une réaction violente de sa part, elle n’est seulement pas ainsi, voilà tout.  Et lui s’est fermé à cette colère vindicative, à cette scène de cris, de pleurs, parfois d’objets brisés qui se déroulent sous son regard absent. Seuls les harmonies et arpèges de « Stormy Monday » importent…
Soudain, il se lève lentement, sous les yeux hagards et étonnés de sa compagne. Sans un mot, sans un regard pour elle, il attrape une veste,  quitte la pièce, quitte la demeure en prenant soin de refermé la porte derrière lui, comme il l’a toujours fait,  et part… Il entend le cliquetis de la serrure derrière lui tandis qu’il se dirige vers son véhicule. Il sait sa compagne sur la palier, muette, médusée, effondrée. Il prend place au volant, nonchalamment, comme il le fait chaque fois, avec les mêmes gestes rituels, démarre le moteur et s’enfuit dans un vrombissement sourd…

Il roule un certain temps, sur un trajet aléatoire, rêveur, imprudent... Le macadam défile sous son regard somnolant, les lumières de la cité enveloppant la nuit tombante de lueurs bleutées ou orangées. Les feux tricolores agressent sa vue mais ne semblent pas toucher son esprit. Les avertisseurs résonnent çà et là, tels des insultes lancées à son encontre mais il les ignorent, avançant inexorablement sur la chaussée, sans but réel.
Puis il stoppe son véhicule sur le parking désert d’un centre commercial désaffecté.
Doucement, il se remémore les premières heures de sa journée… Déjà les accords de Stormy Monday  s’étaient emparés de son esprit encore mal éveillé, déjà la voix de Clapton chantonnait silencieusement…

And I say, "lord have mercy, lord have mercy on me.
Lord have mercy, lord have mercy on me.
Just trying to find my baby, won’t you please send her on back to me."

Le réveil ce matin là fut des plus hasardeux ... La nuit avait été courte, beaucoup trop courte… Ce weekend qui l’avait précédée avait été long, beaucoup trop long… Deux jours de réprimandes, de reproches, de plaintes, de larmes, de cris, fusant inlassablement et incessamment de toute part. Deux journées interminables n’alternant que clameur et silences… Voilà en quoi en avait été réduit leur relations quasi conjugales. Mais ce week end n’était guère un surprise, il rendait fidèlement compte de la teneur de la semaine écoulée, voire du mois écoulé, tout en semblant pourtant être l’apogée de ceux ci.
Depuis quelques mois d’ailleurs, leur relation étaient au plus bas… Non, depuis quelques mois, son existence même était au plus… Il n’avaient plus goût à rien, il ne trouvait plus aucune satisfaction en quoi que ce fut… Même la langueur de ces mélodies qu’il aimait tant ne lui apportait plus l’apaisement escompté, même ces mots jetés sur son écran d’ordinateur ne lui étaient plus d’aucune sérénité. Mais ces dernières 48 heures avaient été les pires de toutes…

Il s’éveilla en retard. Délibérément, il avait omis de programmer son réveil. Cela ne lui importait que peu désormais même si quelques temps auparavant, sa ponctualité à son travail était une réelle source d’angoisse. Il se leva fourbu, le dos meurtri, les chairs endoloris par ces quelques courtes heures passées à sommeiller sur le carrelage de sa cuisine. Il fit sa toilette de manière mécanique, ne daigna pas se raser comme à son habitude, et avala rapidement un café encore trop chaud. Il quitta son foyer sans un mot pour sa compagne… Chaque jour, pourtant, il lui déposait un baiser sur ses lèvres encore endormies, lui susurrant un «  à ce soir, mon amour » -dont il était persuadé qu’elle ne se souviendrait pas à son réveil- au creux de l’oreille. Mais pas cette fois ci…

Durant son trajet, il demeura pensif au volant de son véhicule, se désintéressant de ces animateurs radios qui s’évertuaient à tenter d’être comique.
Tous ses reproches qu’elle lui avait lancés au visage durant ces deux jours lui revinrent à l’esprit. Ils n’étaient pas nouveau, pour la plupart, ils les connaissaient et en avaient même conscience. Il y’en avait un pourtant qui prévalait : il était égoïste,  profondément égoïste… La première fois qu’elle lui avait prononcé ce mot, il lui avait blessé le cœur telle la lame d’un poignard. Il s’était effondré, bouleversé, tétanisé par cette annonce. Lui qui avait une sainte horreur de ces êtres égocentriques, nombrilistes, narcissiques,  qui les haïssait au plus au degré ; lui qui considérait que l’égoïsme était la plus vile des tares, se rendait  compte peu à peu qu’il était lui même de ces êtres détestables. Sur le coup, il crut à une parole vide de sens, jetée dans la colère mais en considérant le passé, ses comportements, ses mots, il comprit rapidement qu’elle avait raison, qu’il était bien ainsi… Et ce trait de caractère était bien paradoxal : comment pouvait il manquer autant d’assurance, de confiance en ses capacités, en sa personne et être parallèlement si enclin à ne penser qu’à lui ?  Il se remémora l’origine de ce fâcheux mot : un conflit avec ses propres parents qui ne parvenaient pas à accepter sa compagne. Elle lui avait reproché son absence de réaction face à leurs paroles désobligeantes, flirtant avec l’insulte pure et simple. Il n’avait pu répondre que ces quelques mots maladroits : «  je ne peux déjà pas répondre quand ça me concerne, alors… » Le mal était fait sans qu’il n’en ait une réelle conscience. Elle crut qu’il s’aimait plus qu’il ne l’aimait elle. Mais en fait, il n’en était pas ainsi. Il avait une peur de ses propres parents qui allait au delà de son amour qu’il pouvait lui porter. Pourtant son amour était des plus intenses, mais sa peur était bien plus profonde encore… Elle ne le comprit pas. Selon elle, l’amour sincère pouvait venir à bout de tous les obstacles et s’il ne parvenait pas à abattre cette peur, c’était simplement car il ne l’aimait pas. Mais qui aurait pu comprendre ? Qui aurait pu réagir autrement ?

Il approcha de l’immense bâtiment au teintes blanchâtres où s’écoulaient ses heures professionnelles, dans un bureau coincé entre la machine à café où  s’attardaient à chaque heure de la journée des employés désœuvrés maugréant sur leur charge de travail et les rendements ardues que l’on leur imposait, et cette porte d’issue de secours qui l’attirait chaque jour inlassablement. Il stationna son véhicule à son habitude dans ce même emplacement de ce parc souterrain et gravit sans convictions les quelques marches le séparant de son emploi.  Bien sûr il tomba nez à nez avec son supérieur hiérarchique… Enième retard, niveau de performances au plus bas… Au vue des difficultés de l’entreprise, tout impair et nouveau manquement serait sévèrement puni… Compression de personnel ! La menace était lancé et planait  telle une épée de  Damoclès au dessus de sa carrière… Carrière ? Pouvait on réellement appelé ça une carrière ? Lui qui avait suivi un cursus universitaire bien assez avancé pour prétendre à des fonctions bien plus valorisante que celle qu’il avait actuellement, n’était pas le type même de l’employé carriériste. Tout juste aspirait il à grader dans sa fonction de base.

Sa journée fut sans fin. Les remarques de son supérieur auraient dû l’inciter à  s’élever au delà de son travail actuel, à ce niveau de performance dont il était jadis habitué. Mais il en fut tout autrement : inversement, il s’effondra, moralement, physiquement. Ses objectifs journaliers en ressentirent le contre coup : chute sans appel et irrémédiable de ses résultats. S’il était un jour où il ne devait pas fléchir, c’était bien celui ci.
Lorsqu’il quitta son poste en fin de journée, il sut que dans les jours, peut être les semaines, au plus les mois qui suivraient, il perdrait certainement son emploi.
Peut être perdrait il également sa femme par la même occasion et avec elle tout espoir d’avoir un enfant…

Il regagna son domicile sans réelle envie et quand il passa le seuil de la porte, il fut glacé par la tension  qui y régnait. Il comprit alors simplement que les discussions des jours précédents n’étaient pas closes. A peine put il déposer sa veste sur un dossier de chaise que sa compagne le prit à partie avec les mêmes remontrances, mes  mêmes interrogations,  les mêmes cris suraigus…

Il regarde un instant, pensif, l’enseigne du centre commercial qui jadis avait brillé de mille feux.

Puis il démarre en trombe, enchaînant les rapports de façon saccadée sur sa boite de vitesse, accélérant de manière tout à fait imprudente à la moindre ligne droite, négociant chaque virage avec une justesse plus chanceuse que réellement experte. A vive allure, il quitte la cité sur cette route sinueuse qu’il connaît tant. Il sait que cette petite route surplombe un profond ravin, il sait qu’elle est réputée pour son caractère dangereux et que les accidents y sont légion. Mais il ne cesse de prendre de plus en plus de vitesse…
A
la première sinuosité, il dégrafe sa ceinture de sécurité  et lâche le volant tout en continuant à accélérer, laissant le véhicule s’élancer inexorablement dans le vide.
Un choc assourdissant de tôle percutée, froissée, et de verre brisée retentit. Le véhicule finit sa course sur le toit au fond du ravin, arrêté par un groupe d’arbustes.

Il se tient debout au bord de la falaise. Il s’est éjecté de l’habitacle juste avant que l’automobile ne chute dans le ravin. Il n’a que quelques égratignures, rien de plus.
Après avoir repris son souffle, permettant à ce flux d’adrénaline de retomber, il dévalera le ravin et déposera sa bague de fiançailles - cet anneau de promesse éternelle- , sa gourmette de baptême avec son prénom gravé en lettres dorées sur une plaque d’argent massif et ce pendentif esquissant son signe zodiacal qu’il aime beaucoup pourtant, sur le tableau de bord et le siège conducteur. Il y laissera également ça veste avec quelques uns de ses papiers d’identité, enfouis de son porte feuille de cuir que sa compagne lui avait offert il y’a déjà quelques temps de cela…  Quand tout allait encore bien…  pensa t’il.
Il fouille machinalement dans la poche de son veston et y découvre un briquet argenté, celui qu’il a pris ce matin même sur le bureau d’un collègue… Il ne fume pas pourtant, il l’a pris spontanément sans arrière pensée aucune. Il était là sur cette table, l’autre l’échauffait avec son week end passé auprès de sa femme et ses enfants, dans leur appartement sur la côté méditerranéenne. Il s’était fermé, comme à son habitude, à son propos, ses doigts s’amusant avec la froideur du métal de ce briquet, hochant du chef et esquissant un timide sourire aux moments opportuns.

Il distingue en contre bas un écoulement brun suintant du réservoir du véhicule. Une flamme jetée sur cette infime étendue sera du plus bel effet !

Le lendemain il soldera son compte bancaire et avec le peu d’argent liquide récolté,  il paiera un aller simple en train pour une destination inconnue puis il bifurquera jusqu’à une frontière… Sûrement une frontière allemande…

Il avait étudié l’allemand jusqu’au bac. D’ailleurs, il avait aspiré à des études pour devenir professeur d’allemand, il fut un temps. Il avait également visité Berlin durant une quinzaine de jour durant sa scolarité et il avait été subjugué par cette  ville cosmopolite, mêlant quelques chef d’œuvre architecturaux classiques aux façades brunes épurées dressés par de longues années de totalitarisme communiste derrière ce mur de la honte et parfois encore criblées d’éclats de combats vieux de plus de soixante ans. Il avait toujours désiré retourner dans cette capitale chargée d’histoire…

Et son esprit se souviendra sûrement de ses leçons de langue de collège et de lycée le moment venu…

“They call it stormy monday...”

Les ultimes riffs s’éteignent un à un, laissant leur vibrato s’épandre encore un cours instant dans son esprit…

NDLA : Toute ressemblance avec des situations et personnes existantes ou ayant existées ne serait que purement… intentionnelle ! Oui, il y’a beaucoup de moi dans ce personnage pourtant ce réçit demeure fictif purement et simplement… A vous de déceler le faux du vrai, l’imaginaire du réel…

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Commentaires
D
(J'ai remis un peu d'ordre dans les paragraphes qui s'étaient quelque peu mélangé au moment de la publication ... Oups...)<br /> <br /> Non ce n'est pas vraiment une suite... Le texte du 2 mai était d'inspiration réelle celui ce n'est que fictif, un fruit de plus de mon imaginaire même si ma réalité y est mêlée pour beaucoup... Ne crains rien, ni ma vie, ni mon couple n'ont encore pris une telle direction!
A
Ce texte serait-il une suite à celui du 2 mai dernier ...???
F
je me doutais qu'il s'agissait d'un peu de toi , je crois qu'il y en a toujours dans ce que l'on jette dans nos textes <br /> <br /> j'ai beaucoup aimé ce texte <br /> <br /> j'en attends d'autres <br /> <br /> difficile de comprendre l'autre ou de simplement vouloir le comprendre ...
"Mon dévidoir de l'âme"
  • Coucher mes pensées sur un écran vierge est comme un exutoire. Y dévercer mon flot de songes et de reflexions, y étaler la nudité de mon âme sans artifice, voilà la raison d'être de ce blog...
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