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"Mon dévidoir de l'âme"
"Mon dévidoir de l'âme"
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7 février 2006

Dans un avenir improbable...

« Mais qu’éprouves tu pour moi ? » me demanderas tu peut être, un jour, sur un ton probablement un peu trop froid, un peu trop noir, avec un regard  sûrement un peu trop sérieux, un peu trop placide.

Alors, assurément, serai-je troublé par cette soudaine question, deviendrai-je blême, détournerai je  mes yeux de toi, honteux, coupable, me maudissant d’avoir tant laissé transparaître de mes sentiments.

Certainement un lourd, déplaisant et accablant silence tombera entre nous, un flux glacial parcourra mon corps, se faufilant dans un frisson le long de mon échine et hérissant ma chair.

Mon esprit sera fatalement embrumé, incapable de raisonner, de me dévoiler une pensée cohérente ; les mots et les images se seront enfuis avec ton interrogation, auront délaissé traîtreusement ma Raison, me laissant à l’état de carcasse sans âme, vide, muette, mais non sourde ni aveugle. Effectivement je ne pourrai qu’entendre ta respiration impatiente, affligeante ; je ne pourrai qu’apercevoir du coin d’un regard discret et confus ton expression sévère et oppressante ; je ne pourrai que constater que, malgré tout, tu resteras infiniment magnifique, aussi divinement somptueuse que lors de cette première attention que j’avais portée sur toi..

Alors, peut être un improbable et étonnent courage me submergera, illuminant  mes pensées et dénouant mes lèvres.

Peut être balbutierai-je, avec hésitation :

«  As tu déjà admiré La Naissance de Venus de Botticelli ? As tu déjà observé ces détails, cette précision du Maître ? Ce visage pâle et délicat aux pommettes légèrement pourprée ; ce regard brun et ocre mêlé d’or, envoûtant tout être le croisant ; ces lèvres fines et rosées emplies à la fois d’une moue enfantine et d’une exquise sensualité ; cette longue chevelure dorée, où l’on peut aisément distinguer chaque mèche, chaque boucle et chaque ondulation portées par le souffle de Zéphyr ; ce corps gracile immortalisé dans un léger et quasiment imperceptible déhanchement lascif ; cette chair diaphane aussi resplendissante que si elle avait été de nacre ?  N’as tu jamais imaginé que Botticelli avait dépeint là une réelle et divine perfection, telle que l’Art seul peut en créer ? »

Silence…  

« Voilà ce que je ressens lorsque je te contemple…

J’ai la sensation d’admirer un chef d’œuvre, qui aurait été créé par un éthéré, omnipotent, éternel et omniscient Maître. Et je ne puis être que saisi d’une exaltation ébahie, d’un émerveillement ébloui, d’un ravissement infini, face à toi, comme je le serai devant une œuvre parfaite par essence, sans le moindre défaut, une création irréprochable, une sublime genèse,  dont je saurai, au plus profond de mon âme, qu’elle ne pourrait aucunement, à l’évidence, être faite de main d’Homme. 

Et jamais je ne pourrai caresser de mes doigts  cette toile, afin d’en ressentir les moindres reliefs, la douceur froide du verni, de peur d’en briser la magnificence. Jamais je ne pourrai la côtoyer au plus près afin d’en étudier les moindres détails, les moindres pigments, les moindres traits de pinceau.  Jamais je ne pourrai avoir l’audace de déposer  un tendre et rapide baiser sur ces lèvres exquises, esquissées, de crainte d’en flétrir la beauté par ce geste. Je ne serai à jamais qu’un humble spectateur, un scrutateur quelque peu profane, ne  se lassant en aucun cas d’admirer un chef d’œuvre d’une telle splendeur et ne s'aventurant respectueusement pas à l’approcher car  je ne suis qu’un admirateur, un contemplateur, rien de plus ; car cette suprême perfection  se doit de rester inaccessible au commun des Mortels dont je ne suis qu’un  anodin et insignifiant représentant, qu’un négligeable et inculte béotien ; car l’esprit humain reste démuni et éperdu face à l’intangible et absolue quintessence de cet Art de source sacrée et surréelle. »

Certainement un pesant silence envahira à nouveau l’espace.

Sans doute, reprendrai je dans un murmure :

«  Je l’avoue, j’éprouve un enivrement intense et passionné face à une telle prodigieuse et insaisissable perfection. Un talent céleste t’a ainsi modelée et je demeure admiratif face à l’aboutissement de son doigté Supérieur. »

« Je ne suis rien de plus qu’un infime adorateur d’un Chef d’Oeuvre des Cieux ! »

Peut être resteras tu muette, abasourdie, cherchant à saisir ce raisonnement quelque peu  tortueux, ne sachant que répondre face à un discours d’une telle étrangeté. . Peut être, en revanche, les mots jailliront de tes lèvres dans une verve infinie, un déferlement implacable de paroles qui annihilera les miennes, se répandra dans mon esprit telle une déferlante insurmontable.

Mais quelle pourrait être la teneur de tes phrases ? Seront-elles aussi blessantes que des lames acérées ? Auront-elles la douceur d’une caresse ? Auront-elles l’éclat apaisant de la compréhension ?

Assurément ne le saurai-je jamais …





venus

"La nascita di Venere" - Sandro Botticelli - 1483

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"Mon dévidoir de l'âme"
  • Coucher mes pensées sur un écran vierge est comme un exutoire. Y dévercer mon flot de songes et de reflexions, y étaler la nudité de mon âme sans artifice, voilà la raison d'être de ce blog...
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