Monologue pour une belle

Ah! Elle est là ! Si envoûtante! Juste à quelques pas...
De sa main pâle, dans un geste irréfléchi et  délicat,
Elle ajuste nonchalamment sa sombre et ample robe,
Ce rabat plissé et épuré, qui incessamment se dérobe,
Ce revers de soie aux teintes de nuit, lissé par ses doigts,
Et cette épitoge éminente arguant de sa foi en la Loi.
Que faire? Que dire? Demeurer ainsi transi d'éblouissement,
Invisible à son regard au creux de cette alcôve, silencieusement?
M'hasarder vainement à déceler, aux tréfonds de mon esprit,
Des caresses du langage, des emphases promptement choisies?
Ah! Quelle cinglante et éthérée lame inlassablement me perce
A la pensée que cet être, pour qui mon ardente passion se déverse,
N'a nullement conscience de ma doucereuse contemplation!
Elle vient!Elle me voit! Elle me sourit! Ah quelle perfection!
Une Divine dextérité, douée d'un absolu et infini talent,
A, semble t’il, conféré, à ce visage somptueux et enivrant,
La pureté et  la magnificence dont peuvent se vanter les Cieux!
Pourquoi l'as Tu enfantée si belle, à ton image, Ô mon Dieu?
Et pourquoi m'as Tu créé si médiocre, si abject, si faillible?
L’admirer est à la fois si étourdissant, si exaltant et si pénible…
Ton infinie Volonté m'a fait indigne de convoiter une telle sublimité,
Pourquoi alors me permettre de contempler cette captivante déité?
Dans toute Ton omnipotence, tout Ton absolu, toute Ton omniscience,
Infliger des maux à Tes sujets, serait-il Ton unique Toute-Puissance?
Mon âme éperdue sombre dans l'éclat de son regard de nuit
Tandis que d'un pas leste et léger, de mon regard, elle s'enfuit...
Ah! Rester là, un instant encore, le temps de ce rêve délicat,
A contempler sa silhouette dansant au rythme de ses pas...
Ô Céleste nymphe! Ô Vibrante muse!Ô Délicieuse créature!
Tu es si magnifique! Tu es si envoûtante! Tu es si pure!