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"Mon dévidoir de l'âme"
"Mon dévidoir de l'âme"
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30 novembre 2006

Volupté...

etreinte




L'atmosphère de ce lieu était étrange, pesante. Un air glacial parcourait incessamment les obscurs couloirs sans fin de cette bâtisse victorienne. Ils semblaient se déployer et s'étrécir dans une perpétuelle mouvance, tel une méduse diaphane élançant ses tentacules dans la nuit. Un silence ténébreux empli d'une fervente piété m'enveloppait, même les lattes vermoulues du vieux plancher n'osaient émettre le moindre gémissement sous mes pas. On eût cru qu'ici tout son aussi infime fusse-t'il, était banni.
Mes pas fendaient les ténèbres, mon corps me menait vers une destinée que j'ignorais. Ma raison et mon âme semblaient avoir été écartée des desseins de ma propre enveloppe charnelle. Mon esprit n'était plus le maître de mes muscles et de mes membres, eux avaient pris le joug sur lui. Mon être ne répondait plus qu'à ses pulsions propres, que je ne pouvais saisir.
Soudain une fine lueur dessina au loin, d'une plume incandescente, une haute porte massive, surmontée par un couronnement doré masqué par l'ombre et scindée en deux battants, par une embrasure d'une clarté aveuglante qui semblait s'accroître à chacun de mes pas. Peu à peu une gaieté tonitruante cingla le silence, un brouhaha de rires, de gémissements, de chants, de paroles inaudibles frappa mon ouïe. Lentement, des effluves de liqueurs, de nourritures, de fragrances fleuries, ambrées ou boisées enivrèrent mes sens. Je me sentis comme transporté par une force incommensurable et impalpable vers ce lieu de perdition, virevoltant au rythme des mélopées enchanteresses.
Une chaleur sensuelle frappa mon visage tandis que les lourdes portes jouaient silencieusement sur leurs gonds.
S'offrit à moi une immense pièce aux murs drapés de tapisseries cousues de minuscules touches colorées, semblant si ridicules face au gigantisme de l'oeuvre, relatant telle ou telle épopée mythique, chevaleresque ou romantique; aux larges fenêtres obturées par d'épaisse étoffes pourprées brodées de dorures; au haut plafond sculpté, orné d'un prodigieux et splendide lustre aux multiples chandelles électrisées déversant sa clarté tamisée en une multitude de gouttelettes cristallines et de gerbes dorées. Ça et là, m'apparut une abondance d'hommes et de femmes, aux corps nus ou simplement vêtus de dentelles légères et vaporeuses, entrelacés et enchevêtrés sur des sofas de cuir ou de velours, des matelas épais couverts de coussins ou de drap de soie rubis, appuyés contre des cheminées de marbre ciselés ou des tables de chêne brut ou commodes de bois précieux parées de plateaux de nacre. Les liqueurs coulaient à flot, la nourriture servait tant aux jeux orgiaques des convives qu'à les substanter. Chacun se délectait autant du vin exquis et des mets délicats que du sexe de leur voisin ou de leur partenaire, mêlant parfois les plaisirs des sens et de la chair dans des ébats dignes des ancestrales Bacchanales, des soupirs orgasmiques s'insinuant entre les rires et les chants.
De ses visages assoupis, extatiques, parfois encore portés, paupières closes, par les frissons du Plaisir, certains ne me semblaient pas méconnus. J'étais pourtant bien incapable de me souvenir d'un nom, d'un prénom, d'un lieu ne serait ce que d'une voix. Amis, parents, proches ou simplement connaissance? Je ne saurais dire... Simplement pouvais je avancer que des regards, des sourires, des beautés m'étaient familiers.
Je demeurai un instant dressé dans l'embrasure, simple silhouette trouble masquée par les ténèbres, invisible aux yeux de tous face à cette scène dionysiaque.
Je n'étais ni surpris, ni choqué. Tout ceci me paraissait si naturel, dénué de toutes ces connotations qu'une société encore emprunte de deux millénaires de préceptes religieux reléguait au rang de la perversité, du vice, de l'anormalité, voire de la démence. Le culte du Plaisir a toujours été et sera toujours. Il est une part intégrante et essentielle de l'Homme, alors pourquoi vouloir s'évertuer à le rejeter?
Toutefois, un sourire amer teinta mon visage.
Je n'étais ni troublé, ni étonné par cette saynète, mais par ce sentiment de désapprobation, de reproche qui fusait en moi, cette sensation d'injustice face à ce qui semblait m'être dû, cette impression d'être un paria aux yeux de tous.
J'observais un à un leurs regards rigolards embués par l'alcool et l'extase.
Un murmure mesquin presque méprisant monta dans un souffle tout juste audible: « Vous avez osé faire ça sans moi! »
Ces mots me surprirent à l'instant même où je les prononçai. Cela ne me ressemblait guère. Mais rien ici ne ressemblait à mon existence, à un événement, une situation, un comportement que j'aurais pu vivre.
Je me retirai d'un pas étouffé, muet, progressant vers cette échappatoire donnant sur la nuit, brusquement émergée de nulle part. J'entrevis les portes massives se refermer derrière moi et en un instant le silence et les ténèbres reprirent leur joug sur ce couloir où ni l'Espace, ni le Temps ne semblaient plus avoir aucune prise. Les cloisons sombres et le plancher ciré ondulaient d'une succession de déferlantes impalpables, allant et venant, soumises à un infini remous, une agitation tantôt frémissante, tantôt battante, issue des profondeurs même de la matière. Mon pas était un radeau chétif et éphémère, malmené par un océan obscur m'approchant et m'éloignant inlassablement de cet horizon étoilé et salutaire.

Soudain un frisson m'étreignit l'âme.
Je l'aperçus, nymphe enchanteresse, surgie de ces scènes extatiques délaissées. Ses longues mèches de jais frémissantes, ondoyantes, serpentaient sur ses épaules nues, une étoffe pure et diaphane embrassait les moindres courbes de sa silhouette en une incessante vague argentée, son visage à l'éclat satiné dessinait un regard envoûtant et vibrant d'une nuit dorée, des lèvres pourprées et exquises si désirables et un nez fin et délicat surmonté de délicieuses pommettes à peine rosées.
Je ne sus lequel, d'elle ou de moi, s'approcha mais le temps d'un souffle, nos bras s'enserraient dans une étreinte comme éthérée, où nos corps, léger et virevoltant, semblaient à la fois se frôler, se toucher et se fondre dans une fusion de chair et de sang. Nos lèvres s'unirent dans une fièvre mystique, se caressant, se pinçant, s'effleurant, fougueusement ou langoureusement. Nos langues percèrent ce rempart charnel pour s'enlacer, se mêler, se nouer, se dénouer, se serrer, se pincer, se mordiller, tantôt frénétiquement, tantôt languissamment. Mon âme se perdait dans son regard mi clos, ensorcelée par son charme à la fois sulfureux et angélique, sombrant dans les profondeurs de son iris, se débattant mollement dans ces méandres de nuit, se laissant engloutir dans cette Beauté divine, absolue, parfaite.
Mes doigts s'attardèrent sur son corps, effleurant sa peau soyeuse d'une caresse veloutée, parcourant la moindre ondulation de sa silhouette avec la légèreté d'une plume. Ma main s'abandonna quelque peu sur ses seins, descendant le long de son ventre pour rejoindre son joyau.
Non, pas maintenant...
Aucune parole, aucun murmure, juste une pensée imposée à moi.
Elle avait raison...
Mes lèvres lentement se descellèrent des siennes dans un soupir presque plaintif tant leur saveur m'enivrait. Mes baisers délaissèrent son visage pour s’engouffrer dans la moiteur de son cou.
Ah cette chair aux confinements de sa nuque, courant de l’oblongue de sa mâchoire à la courbure de son épaule! Cette peau si délicate, si fine, que je pouvais y distinguer les arabesques bleutées de son sang affluant dans ses veines !
J’aime tant m’abandonner là. J’aime tant y disperser mes baisers oscillant entre de délicates caresses de mes lèvres, de longs effleurements de la pointe de ma langue, des pincements de ma bouche et des mordillements alanguis.
Je serrai son corps dans une subtile fusion de tendresse et de brutalité. Je plongeai mon visage contre son épaule. Je sentais le moindre de ses frémissements hérissant sa chair, le moindre de ses soupirs chauds frappant mon visage. J’humais les effluves de ses fragrances se mêlant aux senteurs de son corps, me délectait de la saveur salée et suave de sa peau. Je baisais lentement ce satin, m’en saisissant soudainement dans une morsure lui affligeant une infime douleur qui la suffoqua dans un gémissement aussi surpris que lascif.
J’imaginais ces ancestraux démons vils et carnassiers, florissant en toute littérature fantastique, ces dandys d’une beauté inhumaine, usant d’une séduction hypnotique aux uniques fins de se repaître de la liqueur de vie de leur victime. Mais je n’étais ni un être surnaturel, ni même doué d’un quelconque charme captivant. Je n’étais qu’Homme, qu’un homme, mortel, l’âme éperdue dans une étreinte flamboyante, un brasier passionné me consumant lentement et dont je ne pouvais ni ne voulais me libérer, le corps ensorcelé par son regard à la fois séraphique et diabolique, dont je ne pouvais ni ne voulais me détacher.
Dans une fuite lente et langoureuse, mes baisers gouttèrent à la naissance de ses seins, écartant son voile de dentelle jusqu’à parvenir à ses petits boutons de rose auréolés de leurs soyeuses couronnes pourprées et s’érigeant à chacune de mes caresses. Mes doigts doucereusement ébauchèrent des volutes indolentes, indécises, sur les arcs exquis et veloutés de ses galbes généreux. Mes sens étaient en effervescence: mon toucher effleurant la soie de sa peau, sa saveur envahissant ma bouche, son parfum enivrant mon être, mon regard se délectant de sa beauté. Mes arabesques invisibles serpentaient jusqu'au courbes de ses hanches tandis que la pointe de ma langue dansait dans une transe mystique autour de son nombril. Ce petit creux dans sa chair nacrée, ni gemme, ni dorure n'en jaillissait, il me semblait pourtant avoir l'éclat des plus merveilleux joyaux que ce Monde ait pu connaître! Ah, j'aimais tant le savourer comme si ç'eut été le seuil de son intimité, mes doigts sillonnant son corps d'un effleurement léger.
Mais je ne pus m'y attarder longuement tant sa perle gorgée de sang attisait mes désirs.
Mes lèvres l'effleurèrent sournoises, agaçantes presque cruelles, déchaînant en elle un soudain frisson brutal qui la laissa le souffle haletant. La caresse de ses doigts m'invita à poursuivre cette impertinente douceur affriolante, affolante, électrisante.
Mais je résistai...
Mes baisers volèrent jusqu'au nacre diaphane de ses cuisses, y déchaînant une succession de frôlements, de mordillements, de lèchements, ponctués de longs gémissements étouffés. J'y demeurai un instant, me délectant de cette impatience qui étreignait mais ma farouche résistance succomba peu à peu au suave et enivrant parfum de son désir.
Ma langue vibra d'une déferlante de caresses, s'insinuant au coeur de sa toison de nuit, courant de l'antre de son intimité jusqu'à son gemme velouté, flânant lascivement presque cruellement sur celui ci avant de le fuir pour s'immiscer au creux de son être. Lentement, à mesure que ces soupirs s'amplifiaient, mes effleurement se firent plus précis, alternant douceur et fermeté, langueur et célérité. Je sentais ma belle frissonner entre mes lèvres, se raidir dans un murmure étouffé, ses hanches basculant frénétiquement tandis que ses gémissements se faisaient plus profonds. J'intensifiai le jeu voluptueux de mes lèvres et de ma langue, mes sens attentifs au moindre de ses frémissements. Soudain, tout son corps tressaillit d'incessants soubresauts avant de se cambrer dans un ultime soupir extatique.
Peu à peu, mes lèvres se descellèrent de son joyau ivre de plaisir.
Je ne sais comment, nous nous trouvions étendus, enveloppés d'une brume cotonneuse qui semblait nous porter d'un souffle léger et argenté.Son regard se détourna vers moi, m'emportant dans sa profondeur de nuit. Frémissant d'une quiétude sensuelle et enchanteresse, mes lèvres s'unirent aux siennes, nos corps s'allièrent dans une fiévreuse ondulation, tournoyant, virevoltant, dansant dans un enivrement charnel. Je me sentis presque malgré moi m'enfouir au plus profond de sa douce et ardente chair de volupté. Nos êtres se mêlaient, fusionnaient, nos regards, nos murmures, nos pensées ne faisant qu'un. Nous n'étions plus deux âmes, deux corps, nous n'étions qu'Un!

Puis, là, brusquement...
Le regard hagard...
L'âme perdue, éperdue...
Frémissant d'un fébrile frissonnement...
Ne sachant que croire...
Ne sachant que penser...
Ne sachant que dire...
Je me suis éveillé...

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Commentaires
P
;p
D
Au détour de la grande Toile, par delà les clics et les liens, me voici arrivée sur cette page.<br /> <br /> Pour y être agréablement surprise, par un texte semblant sorti de nul part, lu à une heure tardive où l'imagination s'envole plus aisément.<br /> Une richesse de vocabulaire ainsi qu'un style fluide, profond et captivant.<br /> Je tenais juste à en saluer l'auteur.<br /> <br /> Sur ce bonsoir,<br /> <br /> Grise
"Mon dévidoir de l'âme"
  • Coucher mes pensées sur un écran vierge est comme un exutoire. Y dévercer mon flot de songes et de reflexions, y étaler la nudité de mon âme sans artifice, voilà la raison d'être de ce blog...
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