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"Mon dévidoir de l'âme"
"Mon dévidoir de l'âme"
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8 juin 2005

Te retrouver...

Je fixe le paysage au dehors d’un regard rêveur, somnolant. Fresque fugitive, en perpétuel mouvement, images défilant à grande vitesse, hypnotiques et ensorcelantes. Prairies verdoyantes fendues d’un cours d’eau serpentant, vivace, au travers des roches, massifs, vallées. C’est fou comment un élément si doux au touché, si fluide entre les doigts, si savoureux entre les lèvres, peut percer ainsi la rudesse de la pierre pour s’y frayer un chemin et accomplir ainsi inexorablement son destin.

Puis viennent ces espaces de béton, ces tours de briques, ces bâtiments de métal et de verre, ces axes goudronnés, ces parterres de fleurs cernés de blocs de ciment, ces espaces verts emprisonnés entre des barreaux en fer forgé. Et le béton perce la nature, fend les prairies, s’élève au delà ces cimes effeuillées, comme pour accomplir un destin qui n’est pas le sien : la grandeur toujours plus orgueilleuse des Hommes.

Et je regarde distraitement le film des existences  qui se joue devant moi. Mon baladeur enchaîne les titres jusqu’au fond de mon crâne mais je ne prête guère d’attention à ces mélodies.

Un homme se présente au côté de moi, je l’aperçois du coin de l’œil, il prononce quelques mots mais je ne les entends pas. Machinalement, je lui tends mes titres de transports, sans un regard, sans un mot, presque  impoli, presque hautain. Je distingue au milieu des arpèges le son bref et métallique de son poinçon et reprends mes billets désormais contrôlé nonchalamment. Mon regard n’a pas quitté ce paysage forestier qui a su désormais juguler les étendues de béton. Mais pour combien de temps encore ?

Je me plonge à nouveau au plus profond de mes pensées…

Mais pourquoi ai je accepté ? Quelle est cette folie ?

Une angoisse s’insinue soudainement en moi, une appréhension.

Et si je te décevais ? Et si je ne correspondais pas avec cette image que ces mois de correspondances ont dû forger en toi ? Certes, nous nous étions déjà rencontrer bien avant  que ne naisse cette amitié distante, mais gardes tu un souvenir assez fidèle pour ne pas te trouver dépitée ?

Et les pensées fusent suivies de leur lot de peur, et les images s’enchaînent un peu à la manière de ces scenarii relatant l’histoire de nos retrouvailles mais chacun dans des conditions changeantes et avec un dénouement différent, plus ou moins heureux.

Il est question de cette nouvelle rencontre, de cette redécouverte depuis bien longtemps entre nous. Mais j’ai hésité, j’ai refusé, je me suis défilé, arguant de motivations et raisons plus ou moins sérieuses, qui se voulaient justifier mon comportement. Puis mon édifice argumentaire s’est effondré le jour où a été anéanti l’ultime ligne de rempart à mon indécision. En effet, j’ai révélé à ma douce l’existence de cette amitié, ce que je n’avais jamais fait auparavant, de crainte qu’elle ne le comprenne pas, qu’elle me reproche de lui avoir caché cette correspondance. Elle me l’a reproché mais est pourtant parvenue  à comprendre. Mon âme s’est trouvée nue, sans aucun argument pour la préserver, il n’était que des fausse excuses pour justifier -ou du moins tenter d’y parvenir- mon immobilisme récurrent.

Mais j’ai cédé… Mon désir de te retrouver a terrasser mes peurs.

Et je suis maintenant assis dans ce train lancé à grande vitesse en direction de…

Une voix grésillant interrompt le fil de mes pensées et annonce un énième arrêt de quelques minutes. Mais il ne s’agit pas là d’un quelconque arrêt en gare, il s’agit de ma destination…

Je rassemble fébrilement mes affaires. Mon esprit est à nouveau envahi par une vague de sensations, un déferlement d’angoisses. Mon âme emprisonne mon propre corps dans un étau immatériel, oppressant le creux de mon estomac, serrant ma gorge si bien que toute respiration se veut difficile.

Un frisson mêlant appréhension et excitation parcourt mon échine, tandis que je tente tant bien que mal de me frayer un passage entre valises et voyageurs jusqu’à m’extraire de ce wagon bondé.

Un puissant tourbillonnement de pensées, regrets, peur, remords, rire s’abat sur moi, s’insuffle dans mon corps, souffle dans mon cœur, s’empare de mon âme et la fait tournoyer avec un célérité folle.

Je demeure un instant immobile sur le  quai de cette gare, yeux clos, ignorant la foule s’affairant tout autour de moi et me bousculant parfois. Au terme d’un enchaînement de quelques longues mais difficiles inspirations destinées à m’apaiser au mieux, je fends moi même la masse composite d’âmes bigarrées s’agitant muettes ou dans de grands éclats de voix , au sein de cette bâtisse élevée au siècle dernier.

Je sais que tu n’es pas encore là et il en est mieux ainsi… Durant quelques minutes, je serai seul dans cette cité, à mi chemin entre ton univers et le mien, ce lieu neutre qu’aucun de nous ne connaît, ces rues que nous n’avons par parcouru, ces terrasses où nous nous ne sommes jamais attablés, ces façades que nous n’avons jamais admiré, ce ciel où nous nous sommes jamais évadé. Je serai un bref instant libre de douter de mon choix, d’imaginer les différentes facettes des dénouements incertains de cette rencontre.

Je pourrais être faible, lâche. Je pourrais fuir par le prochain train en partance, je pourrais ne pas aller à ta rencontre le moment venu me noyant dans le flot de foule…

Non ! Le désir de te redécouvrir est bien trop intense. Cette dualité entre la peur et l’envie n’a cessé de me tirailler depuis cette décision, par écrits échangés, de nous retrouver ici, en ce jour, à cette heure. Mais chacun de ces duels se sont achevé par la victoire du désir, sur la crainte. Pourquoi n’en serait il pas de même aujourd’hui, à deux pas de ce but tant espéré ?

Une voix nasillarde et féminine résonne soudain dans l’enceinte de cette gare.
Ton train...
Mon estomac se noue, mon cœur bat à tout rompre, ses pulsations cognant jusque dans mes tempes. Je me redresse mais je suis déstabilisé, un bref instant, par un vertige fugitif.

La longue cohorte d’acier ralentit dans un grincement strident avant de stopper sa course comme dans un souffle épuisé. Une à une, les portes cèdent sous la pression des voyageurs, s’ouvrent dans de grand fracas métallique et déversent le flot des nouveaux arrivants. J’épie chaque visage, guette chaque voix…

Saurais je te reconnaître ? Oui, assurément.

Puis je t’aperçois au loin…

Tu es restée telle que dans mes souvenirs, avec cette même beauté, ce même regard, ce même sourire qui m’avaient tant charmé.

Je m’approche lentement, n’osant détourner mes yeux de ton visage de peur de te perdre dans cette foule. Je ne parviens pas à calmer ces tremblements incessants et neveux qui secouent mon corps, mais peu importe…

Tu me distingues enfin. Je te souris timidement. Tu me réponds aussitôt un éclat enivrant emplissant ton visage.

Et ton sourire, d’un coup, chasse mes angoisses, mes appréhensions, mes doutes et mes interrogations pour ne laisser subsister que le désir de te retrouver ,enfin.

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Commentaires
N
tres belles retrouvailles,une émotion de plus à vous lire...
"Mon dévidoir de l'âme"
  • Coucher mes pensées sur un écran vierge est comme un exutoire. Y dévercer mon flot de songes et de reflexions, y étaler la nudité de mon âme sans artifice, voilà la raison d'être de ce blog...
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